Méthodes et analyses servant à mesurer la qualité des oléagineux

Lorsque le Laboratoire de recherches sur les grains effectue des essais qualitatifs sur les oléagineux, il se fonde sur les méthodes mises au point par des organismes rédacteurs de normes reconnus à l’échelle internationale, comme l’Organisation internationale de normalisation (ISO) ou l’American Oil Chemists’ Society (AOCS) ou sur des méthodes publiées dans des articles approuvés par un spécialiste de la discipline, ou il utilise ces méthodes pour étalonner ses essais.

De nombreux pays acceptent ces méthodes comme procédures de référence pour le règlement des différends commerciaux; ces méthodes ont des limites de répétabilité et de reproductibilité bien définies, établies lors d’essais collectifs internationaux.

Méthodes et analyses

Teneur en chlorophylle
La chlorophylle est le pigment vert essentiel à la photosynthèse que produisent les végétaux. Les graines oléagineuses contiennent beaucoup de chlorophylle pendant leur développement. Cette chlorophylle est métabolisée pendant la maturation, de sorte que les graines mûres contiennent très peu de chlorophylle. En raison de la nature indéterminée du processus de floraison et de maturation du canola (B. napus), les graines de canola peuvent contenir d’importantes quantités de chlorophylle. Ce phénomène est accentué par la saison de culture courte au Canada (semis de mai à juin et récolte d’août à octobre). Cette concentration de chlorophylle élevée pose des problèmes pendant le traitement, puisque la chlorophylle est extraite en même temps que l’huile, à laquelle elle donne une coloration verte ou brune. En plus de donner une couleur indésirable à l’huile ou aux aliments, la présence de concentrations élevées de chlorophylle favorise l’oxydation, ce qui fait rancir l’huile.
La teneur en chlorophylle est déterminée selon la méthode de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) no 10519:1997(F), Graines de colza - Détermination de la teneur en chlorophylle - Méthode spectrométrique. Les résultats sont exprimés en milligrammes par kilogramme (mg/kg) de grains.
Dans le cadre de l’analyse par la méthode de référence ISO no 10519, la chlorophylle est extraite de la graine à l’aide des solvants adéquats, et la teneur en chlorophylle est déterminée par spectroscopie. Par ailleurs, notre laboratoire utilise des spectromètres dans le proche infrarouge modifiés de façon à inclure les longueurs d’onde visibles et étalonnés selon la méthode ISO no 10519 pour prédire la teneur en chlorophylle des graines oléagineuses. Cette technique permet de prédire rapidement la teneur en chlorophylle des graines oléagineuses et est utilisée pour l’analyse de tous les types de graines oléagineuses dans le cadre du Programme d’échantillons de récolte.
On peut estimer la teneur en chlorophylle du canola par une évaluation visuelle du « pourcentage de graines nettement vertes » lors de l’attribution du grade. Il a été démontré qu’une concentration d’environ 25 mg/kg (ppm) de chlorophylle correspond à environ 2 % de graines nettement vertes dans le canola canadien composé de B. rapa et de B. napus.
Composition en acides gras
Les valeurs fonctionnelles et nutritives des différentes huiles végétales dépendent de la nature des divers acides gras (triacylglycérols) qui sont les éléments constitutifs de l’huile. Les principaux acides gras des huiles végétales sont l’acide palmitique (C16:0), l’acide stéarique (C18:0), l’acide oléique (C18:1), l’acide linoléique (C18:2), l’acide alpha-linolénique (C18:3) et l’acide érucique (C22:1). Ces acides diffèrent par le nombre de molécules de carbone qui composent leur chaîne et par le nombre de liaisons doubles entre ces molécules de carbone. Chaque type d’huile végétale renferme ces acides gras en proportions différentes. Au Canada, l’expression « huile de canola » désigne une huile dérivée des graines de plantes du genre Brassica (B. napus, B. rapa et B. juncea) dont l’acide érucique constitue moins de 2 % de tous les acides gras. De plus, l’huile de canola renferme de faibles concentrations (moins de 7,0 %) d’acides gras saturés, principalement des acides palmitique et stéarique, et des concentrations élevées d’acides gras mono-insaturés, surtout de l’acide oléique et des oméga-9, et présente un bon rapport d’acides gras polyinsaturés oméga-6/oméga-3 (rapport acide linolénique/acide α-linoléique de près de 2). De leur côté, l’huile de soja compte pour principal acide gras l’acide linoléique (oméga-6), et l’huile de lin renferme de très fortes concentrations d’acide α-linoléique (oméga-3). L’huile de colza peut contenir jusqu’à 50 % d’acide érucique. De plus, la variété et les conditions de culture ont une incidence sur la composition en acides gras des graines oléagineuses.
La composition en acides gras et l’indice d’iode (calculé à partir de la composition en acides gras) sont déterminés grâce à un procédé qui commence par l’extraction d’une partie de l’huile, suivie de la conversion chimique des acides gras des triacylglycérols en esters méthyliques d’acides gras individuels par dérivatisation alcaline. Les esters méthyliques d’acides gras sont alors analysés par chromatographie en phase gazeuse; ils sont séparés en fonction de la longueur de leur chaîne de carbone et de leur nombre d’insaturation. La méthode est rapide, précise et fiable, et elle peut servir à l’analyse d’un grand nombre d’échantillons.
Dans notre laboratoire, la composition en acides gras est déterminée selon les méthodes ISO no 12966-1:2014 (Corps gras d’origines animale et végétale -- Chromatographie en phase gazeuse des esters méthyliques d’acides gras—Partie 1 : Lignes directrices relatives à la chromatographie en phase gazeuse moderne des esters méthyliques d’acides gras) et ISO no 12966-1:2011 (Corps gras d’origines animale et végétale—Chromatographie en phase gazeuse des esters méthyliques d’acides gras—Partie 2 : Préparation des esters méthyliques d’acides gras) au moyen d’une colonne HPInnovax (colonne de 15 m sur 0,32 mm enduite d’une couche de 0,25 µm). Seules les données relatives aux principaux acides gras sont rapportées, mais les échantillons peuvent contenir jusqu’à 1 % d’autres acides gras mineurs, qui sont compris dans les calculs.
Indice d’iode
L’indice d’iode indique la quantité totale d’acides gras insaturés dans une huile. Par définition, il s’agit de la mesure du nombre de grammes d’iode qui se combineront à 100 grammes d’huile. À l’origine, on faisait réellement réagir des échantillons d’huile et d’iode, mais on peut calculer l’indice d’iode à partir de la composition en acides gras de l’huile.
L’indice d’iode détermine le degré d’insaturation calculé à partir de la composition en acides gras, en fonction de la méthode no Cd 1c-85 recommandée par l’American Oil Chemists Society (AOCS), mise à jour en 1995 et réapprouvée en 1997 (Indice d’iode calculé).
Lors d’analyses courantes, l’indice d’iode des graines de lin ou de canola peut être déterminé à l’aide d’un spectrophotomètre dans le proche infrarouge étalonné en fonction de la méthode no Cd 1c-85 de l’AOCS. Il est préférable que les graines de lin destinées à la fabrication de peintures et d’encres aient un indice d’iode élevé (189 ou plus), alors que la fabrication de linoléum requiert un indice légèrement inférieur (environ 182).
Teneur en acides gras libres
Les acides gras libres sont issus de la décomposition (hydrolysation) des triacylglycérols (huile) par une activité chimique ou microbiologique. Les acides gras libres doivent être éliminés au cours du traitement puisqu’ils réduisent le point de fumée des gras à frire et qu’ils s’oxydent rapidement, ce qui donne un goût rance à l’huile. La teneur en acides gras libres reflète la qualité des graines; une teneur élevée (> 1,0 % en acide oléique) indique la présence de dommages aux graines et est associée à un grade inférieur.
On mesure les acides gras libres au moyen d’un titrage acide-base de l’huile extraite de la graine pendant la détermination de la teneur en huile. La teneur en acides gras libres est déterminée selon une méthode modifiée de la méthode décrite dans Ke et coll., Analytica Chemica Acta 99:387-391 (1978) et est exprimée en pourcentage d’acide oléique dans l’huile. On utilise l’acide oléique et un poids moléculaire de 282 pour les calculs. Les options d’indicateurs et de réactifs figurent également dans l’ISO no 660 Corps gras d’origines animale et végétale – Détermination de l’indice d’acide et de l’acidité.
Teneur en glucosinolates
Les glucosinolates sont des composantes naturellement présentes dans les graines du canola, du colza et de la moutarde. Ces composés se trouvent dans tous les légumes du genre Brassica (chou, chou de Bruxelles, radis, brocoli, chou-fleur) et sont responsables de la forte odeur et du goût prononcé pour lesquels ces légumes sont recherchés. Les graines des plantes du genre Brassica comme le colza et la moutarde sont particulièrement riches en glucosinolates, alors que les graines de canola, par définition, affichent une teneur totale en glucosinolates beaucoup plus faible. S’il est souhaitable que les graines de moutarde, destinées à être transformées en condiment, aient un taux élevé de glucosinolates, la forte concentration de ces substances dans le tourteau de colza restreint l’utilisation de cette graine comme source de protéines dans les aliments composés pour animaux. En améliorant le colza pour en réduire le taux de glucosinolates on a obtenu le canola. Des études nutritionnelles ont montré qu’il est possible d’utiliser beaucoup plus de tourteau de canola que de tourteau de colza dans la composition des aliments pour animaux. La définition actuelle du canola nécessite le dosage d’une partie seulement des glucosinolates totaux (les glucosinolates aliphatiques). Les graines de canola contiennent moins de 30 micromoles par gramme de ces composés aliphatiques exprimés en pourcentage de la matière exempte d’huile et en fonction d’une teneur en eau de 8,5 %. De nos jours, le canola (B. napus) cultivé au Canada contient moins de 18 micromoles par gramme de glucosinolates totaux dans une graine entière dont la teneur en eau est de 8,5 %.
Les glucosinolates sont ioniques, c’est-à-dire que ce sont des molécules chargées. Pour en déterminer la teneur, on commence par les extraire de la graine dans de l’eau bouillante, puis on utilise la chromatographie par échange d’ions pour les isoler de l’interférence d’autres composés. Ensuite, on les convertit en molécules neutres avec une enzyme, puis on les sépare pour faire une analyse quantitative par chromatographie liquide à haute performance. En utilisant la méthode ISO no 9167-3, plutôt que l’analyse par CLHP, les glucosinolates neutres sont hydrolysés par une enzyme, et une molécule de glucosinolate libère une molécule de glucose. On mesure alors la teneur totale en glucose par spectrométrie, ce qui mène à la détermination de la teneur totale en glucosinolates. La teneur totale en glucosinolates peut aussi être déterminée à l’aide d’un spectromètre dans le proche infrarouge étalonné selon la méthode ISO no 9167–3:2007. Dans nos laboratoires, la teneur en glucosinolates est déterminée selon la méthode de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) no 9167-3:2007(F), Graines de colza – Dosage des glucosinolates – Partie 3 : Méthode spectrométrique pour les glucosinolates totaux par libération de glucose. Les résultats sont les glucosinolates totaux exprimés en micromoles par gramme (µmol/g) en utilisant un taux d’humidité de 8,5 % pour le canola et la matière sèche pour toutes les moutardes.
Teneur en huile
La teneur en huile se définit comme la quantité maximale de matière (lipides) qui peut être extraite de la graine au moyen de solvants organiques, de l’hexane ou de l’éther de pétrole. L’essai permet d’estimer la quantité d’huile qui pourrait être extraite par trituration industrielle dans des conditions optimales. On estime que les systèmes commerciaux d’extraction par solvants ou par prépression et solvants peuvent récupérer de 97 à 99 % de la teneur en huile déterminée par la méthode d’analyse. La trituration directe (à froid) permet en général d’extraire de 90 à 92 % de l’huile. La qualité de l’huile extraite en laboratoire diffère grandement de la qualité de l’huile extraite par les procédés industriels. En général, l’huile extraite lors des analyses est composée d’environ 99 % de molécules de triacylglycérol (le produit final que l’on souhaite obtenir) et elle est relativement incolore. Le prétraitement de la graine, dont le but est de rehausser l’efficacité de l’extraction industrielle, donne une huile brute très colorée qui contient environ 96 % des molécules de triacylglycérol recherchées.
La teneur en huile du canola s’exprime en fonction d’une teneur en eau de 8,5 %. Cette convention a été adoptée en 1970 à la demande du secteur des oléagineux. À l’époque, on a choisi 8,5 % comme teneur en eau moyenne pour le colza canadien, mais la teneur en eau moyenne du canola exporté ces dernières années se situe entre 7 et 8 %. Pour ce qui est des graines du lin et du soja, la teneur en huile s’exprime en pourcentage de la matière sèche quoique les spécifications commerciales précisent habituellement une teneur en eau telle quelle.
Conformément à la méthode ISO no 659:2009, la teneur en huile se mesure directement en broyant la graine et en extrayant l’huile à l’aide d’une unité d’extraction manuelle Soxtec 2055 (Soxtec Avanti, Foss). La méthode ISO no 659 est la méthode de référence pour la détermination de la teneur en huile recommandée par la Fédération des associations d’huiles, graines et graisses (FOSFA) dans sa liste de méthodes d’analyse officielles. La méthode officielle prévoit des étapes répétées d’extraction par solvants suivies de nouvelles périodes de broyage et d’extraction, jusqu’à ce que toute l’huile ait été extraite. Il s’agit d’un très long procédé; l’analyse peut durer jusqu’à 2,5 jours par échantillon, pour un maximum de 12 échantillons par jour dans nos installations. Il est possible d’analyser la teneur en huile au moyen de méthodes rapides, comme la spectrométrie par résonance magnétique nucléaire (NMR) ou la spectroscopie de réflexion dans le proche infrarouge (NIR).
La teneur en huile est déterminée par résonance magnétique nucléaire (RMN) selon la méthode de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) no 10565:1992(F) Graines oléagineuses - Détermination simultanée de la teneur en huile et en eau - Méthode par spectrométrie par résonance magnétique nucléaire pulsée. Les résultats sont obtenus à l’aide d’un analyseur de résonance magnétique nucléaire de modèle Bruker Mq10 Minispec étalonné avec les échantillons d’oléagineux extraits d’éther de pétrole pertinents selon la méthode ISO no 659:2009 (méthode de référence). La technique NMR mesure l’énergie de résonance absorbée par les atomes d’hydrogène dans la phase liquide de l’échantillon, et elle donne des résultats très exacts et précis.
On peut aussi prévoir la teneur en huile en utilisant un spectromètre dans le proche infrarouge pour mesurer l’énergie du proche infrarouge (1100 à 2500 nm) absorbée par l’échantillon. Les échantillons recueillis dans le cadre du Programme d’échantillons de récolte sont analysés par spectroscopie NIR.
Teneur en protéines
Les protéines sont des éléments nutritifs essentiels, puisqu’ils font partie des éléments constitutifs des tissus de notre corps. Les « protéines brutes » correspondent à la teneur totale en protéines du grain, d’un produit céréalier ou d’un aliment, déterminée en fonction de la teneur en azote. Dans le cas des graines oléagineuses, on multiplie la teneur en azote par un facteur de 6,25 pour déterminer la teneur en protéines brutes. Le facteur de 6,25 repose sur l’hypothèse que la plupart des protéines renferment 16 % d’azote (100/16 = 6,25).
La teneur en protéines est déterminée selon la méthode officielle no Ba4e-93 de l’AOCS, mise à jour en 1995 et réapprouvée en 1997, Méthode de combustion pour déterminer la protéine brute. Les résultats sont exprimés en pourcentage, N × 6,25, calculé selon une teneur en eau précisée. Pour le canola, la teneur en eau est de 8,5 %, alors que pour le lin, le soja et toutes les moutardes, la teneur en protéines est calculée selon la matière sèche.
Dans le cadre de cette méthode, des échantillons de grain sont broyés et chauffés à très haute température (environ 900 °C), en présence d’oxygène. Ce procédé de combustion entraîne la libération de dioxyde de carbone, d’eau et d’azote. On mesure l’azote gazeux, et la réponse de l’instrument est convertie en une teneur en azote (une fois l’instrument étalonné à l’aide d’un composé pur dont la concentration d’azote est connue). La teneur en azote est convertie en une teneur en protéines brutes en fonction du facteur de 6,25.